Quand Élina et Maëlys sont venues au monde, même les médecins les plus chevronnés ont retenu leur souffle. Les jumelles sont nées craniopages, une forme extrêmement rare de jumelles siamoises, unies par le crâne et partageant une structure encore plus délicate : la veine sagittale supérieure, l’une des veines principales du cerveau, chargée d’évacuer le sang veineux.
La situation était critique. Sans intervention, leur espérance de vie serait très limitée. Mais tenter de les séparer impliquait un risque immense. En effet, cette veine étant partagée, la moindre erreur aurait pu provoquer une hémorragie fatale chez l’une ou les deux petites filles.
Un an de préparation intense
Les parents, après des jours de réflexion et d’angoisse, ont pris une décision : donner à leurs filles une chance de vivre séparément, chacune avec sa propre identité, son propre corps, son propre destin.
Durant une année entière, une équipe multidisciplinaire composée de neurochirurgiens, radiologues, anesthésistes et chirurgiens plasticiens a travaillé en secret. À l’aide de modélisations 3D, de simulations cérébrales et d’analyses approfondies du flux sanguin, ils ont préparé chaque geste.

Leur objectif : créer deux systèmes cérébraux indépendants, tout en préservant au maximum les fonctions vitales et cognitives des deux enfants.
Le jour de l’opération
Lorsque le jour de l’opération est arrivé, les médecins savaient qu’ils entraient en territoire inconnu. Jamais un cas aussi complexe n’avait été opéré dans le pays.
Deux blocs opératoires ont été mis en place, deux équipes synchronisées ont travaillé en parallèle, guidées par les plans minutieusement élaborés pendant l’année. Pendant 11 heures, les chirurgiens ont travaillé sans relâche, alternant entre moments d’espoir et phases de tension extrême.
La phase la plus risquée fut celle de la séparation de la veine sagittale commune. Il a fallu détourner le flux sanguin de façon artificielle, le temps de créer deux circuits indépendants.
Et puis, en fin de journée, la nouvelle est tombée :
« Les jumelles sont séparées. Elles respirent. Elles vivent. »
Des jours cruciaux en réanimation
Après l’opération, Élina et Maëlys ont été transférées en soins intensifs. Leurs corps, fragiles, réagissaient lentement à cette nouvelle réalité. Les médecins attendaient des signes : un mouvement, un réflexe, un battement de paupières.
Au bout de deux jours, Maëlys a serré le doigt de son père. Le lendemain, Élina a tourné la tête vers la voix de sa mère.
Ces petits gestes étaient des miracles pour ceux qui avaient passé des mois dans l’incertitude.
Aujourd’hui : deux filles, deux vies, une histoire inoubliable
Aujourd’hui, Élina et Maëlys ont cinq ans. Elles vont à l’école maternelle. Chacune a ses goûts, ses rêves, son univers.
Élina est calme, observatrice, toujours absorbée par les livres ou les puzzles. Maëlys, elle, est extravertie, passionnée par la danse, la musique, les couleurs.
Elles gardent des séquelles — des cicatrices visibles, un suivi médical régulier, des séances de kinésithérapie — mais elles grandissent libres, avec leur propre espace, leur propre voix.
« Avant, on les regardait comme une curiosité. Aujourd’hui, ce sont simplement deux enfants heureuses », dit leur mère.
Une avancée scientifique et humaine
L’histoire de ces sœurs a dépassé les murs de l’hôpital. Elle est devenue un symbole d’espoir pour des familles confrontées à des diagnostics impossibles. Elle a aussi inspiré la communauté médicale internationale.
Des colloques ont repris les données de cette opération comme cas d’étude. Des articles scientifiques l’ont qualifiée de percée dans la chirurgie reconstructive et neuronale. Mais au-delà de la technique, c’est la dimension humaine de cette histoire qui bouleverse.
Une leçon pour chacun de nous
Ce que ces deux petites filles ont traversé dès la naissance rappelle une chose essentielle : la vie est précieuse, fragile, et imprévisible. La science peut accomplir des merveilles, mais c’est le courage des familles, l’engagement des soignants et l’amour inconditionnel qui changent le cours du destin.
Élina et Maëlys ne se souviendront peut-être jamais de l’opération. Mais leur vie entière en sera la preuve vivante.